On a parfois dans la tête des idées assez précises sur les gens. Eh bien, le jour où j’ai réussi à caler une interview de Kool Shen, j’en ai eu des tas.

J’étais bien évidemment complètement excitée. Pour moi Kool Shen, c’était l’interview de rêve. Rencontrer un artiste de cette trempe quand on a écouté NTM toute son adolescence, c’est un accomplissement.

Quand je réalisais, que j’allais faire cette interview. Je me suis rappelée, les propos que m’avait tenus, le principal du lycée quand j’étais en 1ère et que je lui disais que je voulais devenir journaliste. Il me disait : “mais Mademoiselle, vous ne connaissez personne dans le milieu, vous n’y arriverez jamais”. Et là, savoir que j’allais interviewer cet artiste confirmé, qui avait déjà répondu à de grands journalistes. C’était une belle revanche.

Je travaille donc mon interview avec beaucoup d’enthousiasme et une grosse pression. Je veux vraiment réussir cette entrevue et être à la hauteur de mon invité.
Pour me rassurer, je me dis, bon ça va Kool Shen, il est cool. Et puis, c’était toujours lui le plus posé (par rapport à Joey) dans les interviews que je voyais.

Le jour J arrive, j’essaie de calmer mon stress comme je peux, en relisant mes questions des tonnes de fois, j’écoute en non stop le projet IV My People Zone.

J’ai vraiment hâte mais je ne me sens pas à l’aise pour autant, j’ai une vraie boule au ventre.

Enfin, voilà le moment tant attendu.

21h30, il débarque sans dire bonjour, s’installe dans le studio. Il est accompagné de Toy et du groupe Serum (Alcide H et Dany Boss). Et là, je capte très vite, qu’il est bien alcoolisé.
D’ailleurs, direct, il me demande s’il y a quelque chose à boire. Mon collègue de l’époque, lui répond et lui dit qu’il va chercher du whisky ou du rhum, je ne sais plus exactement. Comme il tarde un peu, je propose donc qu’on commence l’interview.

Je ne me sens pas trop bien, dès que je pose une question, il essaie de me tester. Il me contredit sur des petits points. Quand je lui parle de touche RnB sur certains morceaux, il répond que non c’est plutôt pop, pour que quelques minutes plus tard, il utilise le terme de rnb. Je ne vous fais pas de dessin, vous voyez l’ambiance.

Heureusement, Dany boss et Alcide sont beaucoup plus bienveillants et me rassurent en répondant à leur tour. Ils arrondissent les angles.
Kool Shen, est quant à lui, désagréable, il rote en répondant à mes questions. Je trouve le temps interminable, je n’ai qu’une envie finir cette interview.
Et à un moment, il interrompt l’interview et me dit mais il nous a oublié ton collègue. Du coup, je sors du studio à la recherche du collègue qui m’annonce finalement qu’il n’y a plus d’alcool.
Je me retrouve donc obliger d’annoncer qu’il n’y a plus rien. Kool Shen n’apprécie évidemment pas. Du coup, je leur propose comme alternative du coca. Oui bon, c’est sur , c’est pas le même effet qu’un verre de rhum mais je me dis que c’est mieux que rien vu qu’il a soif.
Et me voilà donc a chercher de l’argent pour acheter des canettes dans le distributeur du bureau. La galère quoi !!
Je suis vraiment deg’, je retourne donc au studio avec les boissons, et j’essaie de me remettre au travail mais clairement ce n’était pas de gaieté de coeur.

Clairement quand arrive la fin, je suis soulagée mais tellement déçue. L’image que j’avais de Kool Shen était clairement l’opposé de ce que je venais de voir.

Le soir-même, je me suis posée beaucoup de questions. Je me demandais, si c’était parce que j’étais une fille ou parce que je faisais gamine (eh oui à 25 ans, on me donnait 17 ans) que ça s’était passé comme ça.

Puis, les années ont passé et j’ai de nouveau recroisé le chemin de Kool Shen. Bien sur, jamais il ne me disait bonjour. Alors quand il a fallu que de nouveau je doive l’interviewer pour son solo « Dernier Round », je n’étais pas motivée.
Mais je suis pro, alors mes désillusions d’auditrice passées, j’ai bossé sur cette nouvelle interview. Ce n’était d’ailleurs pas désagréable parce que j’aimais bien l’album.
A l’époque, j’ai un stagiaire et je décide de le faire participer, et de bosser avec moi. Et au fond, ça me rassure aussi de ne pas faire cette interview en tête à tête avec Kool Shen.

Pour cette seconde entrevue, dès qu’il arrive, pareil, il ne me dit pas bonjour. Par contre, il dit bonjour au jeune homme qui m’accompagne.
Vu comment c’était passé la première interview, je ne m’offusque pas. Je pose mes questions, je reste pro et je me rends compte que mes questions l’intéressent. Il m’a semblé qu’il était plutôt content que je souligne son perfectionnisme. Victoire, il n’est plus dans la contradiction systématique comme ce fût le cas lors de ma première.
L’entretien se passe bien. Il remarque le maillot du PSG du stagiaire, ce qui suscite une conversation footballistique. Forcément, là je n’existe plus. Lorsqu’il parle, j’ai comme l’impression qu’il ne s’adresse qu’au stagiaire. Je trouve ça bizarre mais bon vu que l’interview était bonne, je ne me prends pas la tête plus que ça. Je me dis juste que ça aurait pu être pire.

Il aura fallu attendre ma dernière interview de Kool Shen pour que la communication passe avec lui. Pour son second solo, j’y suis allée à la cool, en ayant bossé comme d’hab. Et ça s’est bien passé, il m’a regardé, m’a dit bonjour et on a même parlé à la fin de l’interview. Que de progrès au bout de 7 ans de travail.

Alors je me suis demandé pourquoi cette fois-ci tout était simple et naturel ?
Les solutions possibles sont peut-être que j’ai passé l’épreuve de la jeune première.
Ou alors le fait que j’étais enceinte jusqu’au cou m’humanisait peut-être à ses yeux ?

La morale de tout ça, c’est que les apparences sont parfois trompeuses, ceux que l’on pense durs ne le sont pas forcément et inversement.

Et surtout ne jamais abandonner. La persévérance et le travail paient toujours !!